Julien Laigre, 31 ans, a peu à peu perdu l’audition, définitivement. Les premiers signes sont apparus à l’âge de 8 ans. Avec l’aide de ses enseignants, Julien a réussi sa scolarité et a obtenu son baccalauréat, puis un BTS par correspondance, explique Nicole sa maman.
« Travaillant dans le secteur du tourisme, j’avais ma société en Afrique de l’ouest jusqu’à ce que je devienne sourd, raconte Julien. En rentrant en France, après avoir tout abandonné, j’ai appris la langue des signes en 6 mois, et j’ai écrit ce livre. À l’origine, c’était juste un travail de deuil, mais j’ai réalisé que ma famille et mes amis ne comprenaient pas ce qui m’arrivait, tout comme le grand public lui-même connaissait mal la surdité. J’ai ainsi pris la décision de publier ce travail. J’ai mis ma passion de scénariste de côté pendant longtemps, aujourd’hui grâce à cette deuxième vie qui s’offre à moi, j’ai décidé de me donner une chance de m’accomplir, de me redéfinir ».
Julien
Un jour, je serai sourd
Airelle Éditions
Perdre son état de nature est une véritable épreuve, et c’est par l’écriture que Julien a tenté de faire son deuil dans l’espoir de renouer le dialogue avec l’enfant blessé qui est en lui. Vingt-huit années passées à cacher sa surdité lui ont valu des souvenirs et moments difficiles, mais aussi de très belles opportunités et découvertes se sont présentées à lui. La surdité est un monde complexe d’autant plus qu’elle représente un handicap non visible. Mais c’est surtout « sa surdité » qu’a voulu raconter Julien puisque chaque déficience auditive est propre à chacun. Certes la surdité est une différence, une richesse par la différence de perceptions mais à travers elle, il ne se sent appartenir ni à la communauté des sourds, ni à celle des entendants, il est entre les deux mondes… Comment survivre au sein d’une telle complexité ?
Un jour, je serai sourd a été sélectionné parmi les ouvrages en compétition pour le prix Handi-livres 2014, dont les lauréats seront désignés en fin d’année.
Extrait
« Être sans cesse accroché à leurs lèvres, être attentif à tout ce qui se passe autour. Un grand découragement s’impose à moi lorsque je suis soumis à la bonne vieille remarque du « T’entends que ce que tu veux !». Ce genre de personnes qui s’en tiennent au fait que parfois je réussis à saisir ce qu’on me dit, et d’autres fois, non. Souffrir d’un déficit auditif c’est donc courir le risque d’être isolé et de se sentir mal compris. Face à un inconnu, j’ai donc beau m’écarquiller les yeux pour essayer de lire sur ses lèvres, de me désosser la colonne vertébrale pour tenter de choper le maximum, rien n’y fait je suis dans le brouillard, le flou… Je m’en sors avec à peine 2 ou 3 mots sans grande certitude… C’est tout simplement immensément fatiguant de rester en communication comme si rien de grave ne s’était passé. Le handicap auditif compromet sensiblement la communication et l’accès à l’information, mais j’ai su développer ma propre stratégie pour communiquer : lecture labiale, expressions du visage, déductions… Je ne suis pas devenu sourd du jour au lendemain. Petit à petit, mes fonctions auditives se détérioraient. Mais étant donné que j’ai caché mon handicap toute ma vie passée, et que j’ai dû l’accepter d’un coup, c’est comme si j’étais devenu sourd subitement. »
Aujourd’hui, il nous livre son parcours de vie singulier, avec l’aide précieuse de son interprète Anne.
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Sur le site de Vivre FM pour son passage à l’émission de Jean-Baptiste Bergès